Sunday, July 3, 2011

Il y a toujours quelque chose

Après la visite, en pleine nuit, que le patron et moi avions faite au juge Irwin, et tandis que, brûlant la route qui nous ramenait à Mason City, la voiture filait comme un bolide à travers la campagne obscure, le patron m'avait dit : « Il y a toujours quelque chose. »
Et j'avais répondu : « Peut-être pas avec le juge. »
Et il avait répliqué : « L'homme est conçu dans le péché, il vient au monde dans la corruption et passe de la puanteur des langes à la pestilence du linceul. Il y a toujours quelque chose. »
Et il m'avait donné l'ordre de la mettre au jour cette chose, de la déterrer comme le cadavre d'un chat dont quelques poils tiennent encore à la peau tendue et vio­lacée. Besogne qui m'allait comme un gant, car, ainsi que je l'ai dit, j'ai été autrefois étudiant en histoire. Or, un étudiant en histoire se soucie peu de ce qu'il ramène à la lumière après l'avoir extrait de cet amas de cendres et de fumier, de cet amoncellement sublunaire d'excréments qu'est le passé d'un homme. Chat crevé ou diamant Kohinoor, peu importe. Ainsi la tâche qu'on m'assi­gnait me convenait parfaitement : une excursion dans le passé.

Robert Penn Warren, Les Fous du roi

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